Tu ne trouves pas ça dans dâautres styles ?
Ă vrai dire depuis 1827 avec Utagawa Kuniyoshi qui a posĂ© les bases de ce style avec ses estampes des 108 hĂ©ros du Suikoden, mais aussi avec toutes les gĂ©nĂ©rations de tatoueurs qui ont suivi, quel autre style peut ĂȘtre aussi abouti? La transmission nâĂ©tait Ă la base quâorale, des illustrations, des gravures sont parvenues jusquâĂ nous Ă travers les annĂ©es. Pour rester dans la veine traditionnelle, il est donc difficile dâinventer ou de faire mieux que les bases solides qui nous ont Ă©tĂ© transmises.
Ă chaque nouveau projet, câest un peu de cette idĂ©e et de cette longue tradition que lâon fait perdurer.
Cela fait plusieurs annĂ©es que je me consacre Ă lâĂ©tude et au travail du tatouage traditionnel japonais. Toute la codification et lâesthĂ©tisme de ce style mâont toujours Ă©normĂ©ment attirĂ©, lorsque je rĂ©alise des projets je fais en sorte de respecter les codes au maximum, ceux-ci se caractĂ©risant surtout par la signification des diffĂ©rents Ă©lĂ©ments, mais surtout de leur association entre eux, ce qui est trĂšs important, cela donne une cohĂ©rence et une logique Ă toute la piĂšce.
Par exemple si lâon fait une piĂšce reprĂ©sentant une carpe koi, on associera forcĂ©ment celle-ci avec de lâeau en fond, et non du vent, car il sâagit lĂ de son Ă©lĂ©ment, tout comme il y a un code Ă respecter au niveau des saisons, qui se lit Ă travers les fleurs utilisĂ©es comme motifs avec le sujet principal, dans le cas dâune carpe ce sera majoritairement des feuilles dâĂ©rable, et parfois des fleurs de cerisier. On ne peut Ă©galement pas mĂ©langer et mettre trop dâĂ©lĂ©ments dans un tatouage japonais, afin que lâensemble soit cohĂ©rent et que chaque sujet ai la taille adĂ©quat quant Ă sa bonne lecture.
Par exemple, si lâon tatoue tout un bras, voire mĂȘme un bras avec un pectoral, on pourra y rĂ©aliser les fonds, un Ă©lĂ©ment (eau ou vent), des fleurs et un dragon, mais lâon ne pourra pas ajouter un autre sujet, comme un tigre ou un phĂ©nix, par souci de place et de lisibilitĂ©. Pour une scĂšne comme celle-ci, on va privilĂ©gier le dos entier afin dâavoir une piĂšce correspondant aux codes esthĂ©tiques du tatouage traditionnel nippon.
Un autre aspect du tatouage traditionnel japonais est le fait quâil doit ĂȘtre vu comme Ă©tant un vĂȘtement, comme si câĂ©tait un costume. Câest pour cette raison que lors de la premiĂšre sĂ©ance il y a Ă©normĂ©ment de dessin Ă mĂȘme la peau avec un feutre, ce que lâon appelle du free hand, afin que les fonds et les diffĂ©rents Ă©lĂ©ments Ă©pousent au mieux la morphologie du tatouĂ©. Le but de cette approche est dâavoir un rĂ©sultat esthĂ©tique proche du prĂȘt-Ă -porter, de donner lâimpression que lâon porte un costume entiĂšrement cachĂ© sous ses vĂȘtements.
En ce sens, il y a plusieurs types de formes de tatouage Ă©pousant le corps dans le traditionnel japonais. Il y a le kame-no-koh, dit le «dos de tortue», qui part du bas de la nuque et remplit tout le dos ainsi que les fesses jusquâau-dessus des genoux. Le munewari couvre lui la partie avant du corps, avec le torse jusquâau-dessus des genoux, cependant il y a un espace sous forme de bande partant du cou jusquâaux parties intimes quâon ne tatoue pas traditionnellement, afin de faire un effet kimono. Le hikae quant Ă lui englobe le pectoral et la moitiĂ© dâun bras, Ă savoir quâun gobu Ă lui seul la moitiĂ© dâun bras, shichibu est un trois quart de manchette et nagasode est le bras entiĂšrement tatouĂ©.
Traditionnellement on ne tatoue pas lâintĂ©rieur du bras, ce qui laisse un triangle partant des aisselles jusquâau milieu du bras, on appelle cela un katabori, cependant on peut le remplir, laissant seule lâaisselle non tatouĂ©e, câest alors un koban gata, si on la tatoue aussi on parlera de tsubushi. Le hanzubon dĂ©signe les cuisses de tatouĂ©es.
Le soushinbori quant Ă lui recouvre tout le corps sauf le visage, les mains et les pieds. Toutes ces formes ont Ă©tĂ© travaillĂ©es pendant des annĂ©es et des gĂ©nĂ©rations de tatoueurs japonais, jusquâĂ faire partie entiĂšre des codes de cette branche du tatouage.