Signification du tatouage Japonais
Dans les premières périodes de l’histoire du tatouage japonais, soit les personnes se tatouaient elles-mêmes ou elles demandaient à quelqu’un de très doué en gravure de les tatouer. Ce n’est que jusqu’à l’avènement et le gain de popularité du tatouage pendant l’ère de Bunka Bensei que des personnes se spécialisèrent dans ce domaine et devinrent des artistes tatoueurs, les irezumishi.
C’est aussi durant cette période que Kuniyoshi créa une série d’impressions montrant des acteurs arborant de tatouages. Ces impressions étaient des dérivées de scènes célèbres et représentaient le beau/le magnifique, quoique faux, des tatouages portés par les acteurs. Le style des tatouages représentés dans les peintures et impressions sera transmis au fil de nombreuses générations d’artistes après Kuniyoshi, comme Yoshimune, Yoshiiku, Yoshitsuya, Yoshitoshi et Yoshitora, et ce jusqu’à l’ère de Meiji (8 septembre 1868 – 30 juillet 1912).
Avant l’ère de Meiji, certains maîtres de l’ukiyo-e, en plus de dessiner des motifs de tatouages, se mirent à encrer directement ces motifs sur la peau de certains clients avec un pinceau. En faisant ainsi cela amena l’artiste et le tatoueur à créer un certain lien, très proche et collaboratif. Certaines histoires racontent que la majeure partie des apprentis de Kuniyoshi étaient tatoués, cependant lui ne l’était pas. Tandis que le peintre avait un rôle important dans le processus du tatouage, l’aspect le plus compliqué était d’avoir confiance dans les capacités techniques du tatoueur.
Les motifs complexes créés par le peintre devaient être parfaitement reproduits sur la peau de la personne, une tâche qui était d’une grande difficulté étant donné que la morphologie de chaque client était (et est) différente. Durant cette période les maîtres du tatouage étaient déterminés à relever ces défis et à travailler dur pour améliorer leur art.
Avec seulement de l’encre noire et rouge, quelques outils manuels assez simples, les tatoueurs accomplissaient un travail remarquable avec ces motifs complexes, le nom des meilleurs maîtres tatoueurs se répandait comme le nom des plus grands peintres de l’ukiyo-e.
Suivant l’effondrement du shogunat d’Edo, la tradition de tatouer une personne comme une punition, datant de l’ère de Kyoho, fût abolie dans la troisième année de l’ère de Meiji (1870). Cependant, malgré des moments de popularité, tatouer restait une activité étant constamment sous le contrôle du gouvernement, dépendant également du scrutin public pour plus de cent ans. Dans la cinquième année, une ordonnance appelée Ishiki Chui Jorei a été promulguée pour assujettir le tatouage à de nouvelles règles assez strictes. Des peines et interdictions plus lourdes pour le tatouage ont été établies lors de la treizième année (1880) et de la quarante-et-unième (1908) de l’ère de Meiji et ne changèrent pas jusqu’à ce que ces restrictions furent levées dans la vingt-troisième année de l’ère Showa (1948). Tout cela eu pour conséquence que les tatoueurs devaient généralement vivre comme des hors-la-loi. Il y avait de représentations de tatouages clandestines, où les gens se réunissaient pour se montrer et comparer leurs corps ainsi décorés, entrant en compétition entre eux pour gagner un prix et être «les plus beaux spécimens» de tatoués, ces moments étant caractéristiques de toute cette période.
Au début de l’ère Meiji, des rumeurs parcouraient le monde entier concernant ces réussites et exploits artistiques, ces motifs japonais complexes, ombrés et multicolores. Les maîtres tatoueurs qui étaient sans cesse sous pression perdaient des clients locaux rapidement, mais grâce à cet effet de popularité ils ne tardèrent pas à gagner une clientèle d’étrangers. Les ports de Yokohama et de Nagasaki, qui étaient ouverts aux étrangers, s’adaptèrent à ce nouveau marché et furent alors les lieux où s’implantèrent les studios de tatouages, devenant les endroits où tatoueurs et leur business furent tolérés. Si l’on en croit une histoire, dans la quatorzième année de l’ère Meiji (1881), le H.M.S Bacchante venant d’Angleterre entra à Yokohama avec le Duc de York à son bord. À l’embarquement à Yokohama, le Prince George (qui devint le Roi George V) se fit tatouer sur le bras gauche par le maître tatoueur Horichiyo. La rumeur de ce tatouage s’amplifiant, bon nombre de personnes issues de familles royales venant de différents pays voyagèrent dans le but de venir se faire tatouer. Il est également raconté qu’après la Deuxième Guerre mondiale, le fait de tatouer n’était plus interdit suite à l’arrêt du bannissement de cette pratique, ceci étant sans doute dû à la fascination du tatouage par certains membres hauts placés.
Même si l’irezumi souffre encore d’une mauvaise perception et réputation au Japon.
Il y a beaucoup plus de choses à y comprendre que d’y voir simplement une forme d’art. La culture de l’irezumi à la fin de la période d’Edo fût l’apogée de la pleine maturité de la culture japonaise et de sa société, en réinterprétant les techniques de l’ukiyo-e, apportant une nouvelle esthétique aux corps nus. Mais ces oeuvres d’art ne sont pas éternelles. Quand une personne tatouée meurt, ses tatouages disparaissent avec elle.
Peut-être est-ce le caractère ambivalent et l’histoire de l’irezumi, qui prend sa place dans notre imagination entre la lumière et les ténèbres, qui rend le tatouage japonais si fascinant.